CAIRPs Transversales

25.03.2016 Déclaration des administrateurs salariés soutenus par la CGT, l’UNSA, SUD et SE

Logo CALes comptes 2015 de l’Epic RATP affichent des résultats financiers exceptionnels malgré la ponction de 40 millions décidée conjointement par l’Etat et la Région pour le financement du « Pass Navigo » unique. Du jamais vu, mais cette décision injuste a au moins le mérite d’être claire ! La RATP et ses salariés payent en réalité le refus des pouvoirs publics nationaux et régionaux d’aller chercher les financements nécessaires dans les bonnes poches.
40 millions, c’est pratiquement le montant de la productivité totale réalisée l’an passé et dont le fruit échappe ainsi à l’entreprise. Comment ne pas s’interroger aussi sur la logique de gestion, qui prévaut depuis des années et qui a été encore confirmée en octobre lors de la présentation des orientations, consistant à viser un résultat comptable largement au-delà des obligations contractuelles ? Cette pratique, qui nous avait déjà conduits à subir un rebasage sévère de notre rémunération de – 90 M€ à l’occasion du nouveau contrat, a de nouveau débouché sur une marge additionnelle qui ne bénéficiera pas à la RATP. Au total, la RATP et ses agents sont donc pénalisés par la réalisation des bons résultats qu’ils payent entre autres par de la productivité physique !
Il est affirmé que ce prélèvement de 40 M€ ne sera pas reconduit, mais tant que des mécanismes pérennes assurant les ressources dont le système de transports franciliens a besoin pour fonctionner correctement n’auront pas été mis en place, rien ne garantit que les bénéfices de la RATP ne seront pas de nouveau soumis à contribution. Au passage, comment ne pas noter les traitements contradictoires dont notre entreprise fait l’objet : opérateur banalisé dans la concurrence lorsqu’on veut faire rentrer le privé dans la place, elle redevient opportunément entreprise de l’Etat lorsque les pouvoirs publics sont à la recherche de deniers !
Au-delà de cette question spécifique, l’analyse des comptes fait d’abord apparaître un résultat net et une CAF dégagés par l’EPIC largement au-dessus des prévisions budgétaires :

  • Même avec la reprise des 40 M€, le résultat net récurrent (347 M€) est supérieur de 62 M€ à celui de 2014 et de 38 M€ du budget.
  • La CAF récurrente s’établit maintenant à 968 M€ soit + 38 M€ par rapport à 2014 et + 27 M€ par rapport au budgété.

Rappelons que la maquette du contrat STIF prévoyait pour 2015 un résultat net de 287 M€ et une CAF de 911 M€. Par rapport à nos obligations contractuelles, c’est donc un excédent de près de 60 M€, encore plus important que les années précédentes, que les comptes 2015 mettent en évidence.
Pour obtenir ces résultats, la RATP a bénéficié de la baisse des taux d’intérêt et donc de ses frais financiers, ainsi que de la reprise de provisions. Ce contexte favorable aurait pu conduire à investir dans les hommes, dans l’emploi et les salaires. Mais ce n’est pas la voie qui a été choisie. Au contraire, la politique d’austérité sociale s’est poursuivie :

  • Pour la troisième année consécutive, l’évolution de la MSPA est inférieure à la prévision budgétaire : 1% prévisionnel, 0,7% réalisé. Soit le taux le plus faible depuis 2008 ! un taux également inférieur à l’indice des salaires du transport qui a été de 0,9%. Pour mémoire, les agents n’ont bénéficié comme mesure d’évolution salariale générale que de 0% d’augmentation en 2015, après les 0,5% de 2014. A noter que le différentiel entre le GVT+ et le GVT- n’est que de 0,1%. La progression de la RMPP, de 2,2%, est également la plus faible depuis 2008 et n’aura pas bénéficié à l’ensemble des agents.
  • Sur le front de l’emploi, le constat fait toujours apparaître des opérations de productivité physique au-delà du prévisionnel 2015 avec 1,2% contre 1% prévus, ce qui correspond à 456 suppressions d’emplois.

Oui, la RATP a de bons résultats, mais les salariés en payent le prix et n’ont pas en retour la juste reconnaissance de leur travail ! Rappelons que 40% estiment leurs conditions de travail dégradées. Et en 2016, pour l’instant, il n’y a pas d’évolution du point de programmée…
Mais cette course à la baisse du « coût du travail » se paye aussi en termes de qualité de service, les manques de personnel affectant directement la réalisation de l’offre. Il est d’ailleurs intéressant, a contrario, de constater que les résultats du réseau bus sont en légère amélioration au dernier trimestre, à la suite de la décision de commencer à combler le déficit en personnel de conduite. C’est la démonstration du lien entre niveau de l’emploi et capacité à respecter nos engagements contractuels. Or, rappelons que l’attribution des futurs marchés ne se décidera pas uniquement sur le prix, mais également sur la capacité à pouvoir réaliser une offre de qualité, dans une loyauté du respect du contrat avec le STIF.
Comment enfin ne pas voir l’impasse des politiques d’austérité sur la situation générale du pays, l’absence de croissance et la persistance d’un chômage très élevé ? Chacun ici a pris connaissance des statistiques publiées hier : + 1,1% en février, et + 2,5% en un an : un nouveau record ! En Ile-de-France, le nombre de chômeurs de catégorie A s’est accru de 76% depuis 2008 ! Il y a dans notre région 968 000 chômeurs toutes catégories confondues. Or, la RATP, qui est le deuxième employeur d’Ile-de-France, n’a créé en net que 303 postes de travail sur les quatre dernières années alors que l’offre de service a crû de 10%. A ce compte-là, les moyens mis en œuvre pour combattre le chômage, c’est comme tenter de déneiger le Mont-Blanc avec une petite cuillère ! A cela, il faut rajouter la pression exercée sur les entreprises liées aux marchés passés par la RATP et à qui on impose la même logique de réduction des coûts : 8% d’économies en 2015, près de 20% sur les deux dernières années. Nous pensons à l’inverse que la RATP, en tant qu’entreprise publique d’État, devrait être l’instrument d’une politique de relance, en premier lieu par le développement de l’emploi et l’augmentation des salaires.
L’autre fait marquant des comptes est la progression importante du chiffre d’affaires de RATP Dev. Le problème, déjà souligné ici à de multiples reprises, est que cette croissance se fait dans des conditions de financement qui détournent des moyens de l’EPIC et aggravent l’endettement du groupe, pour une remontée de cash qui reste à un niveau très faible.
Le chiffre d’affaires de la filiale augmente de 25,9%, et de 17,3% si l’on élimine les effets de change. Mais, malgré des reports d’investissements, ce résultat a mobilisé des capitaux importants en termes d’acquisitions et des frais de développement, et a engendré de ce fait un doublement de la dette qui atteint désormais le ratio limite fixé par notre CA : 185 M€ contre 96 M€ fin 2014, et un rapport Dette/EBITDA de 2,4. Une partie de cette dette résulte du prêt de 118 M€ consenti par l’EPIC. Le RNPG récurrent est certes en progression, mais demeure modeste, tout comme les dividendes versés, et le taux d’EBIT est une fois de plus inférieur aux objectifs budgétaires.
Ces chiffres ne sont pas étonnants dans un contexte où la profitabilité des transports publics est de plus en plus aléatoire, entre autres parce que les autorités organisatrices ne prennent pas les décisions permettant de pérenniser son financement. Ajoutons que le portefeuille de RATP Dev est composé de nombreux contrats, dont certains vont arriver à échéance et qu’il faudra pouvoir conserver. L’activité du Sightseeing affiche des difficultés importantes, ce qui hypothèque l’intérêt de l’investissement sur ce secteur et des fonds qu’elle a mobilisés.
Ces éléments conduisent à s’interroger sur la pertinence d’une gestion avant tout conditionnée par la volonté de réaliser 30% du chiffre d’affaires hors EPIC à l’horizon 2020. La disproportion est en effet flagrante entre les capitaux du Groupe mobilisés par RATP Dev et ses résultats. Et la soutenabilité financière de cette politique est clairement en cause.
L’enseignement majeur des comptes 2015 est que c’est toujours l’EPIC qui tire largement les résultats du Groupe en accroissant encore l’écart au niveau du résultat net. Nous appelons donc à revisiter la stratégie de développement du Groupe en s’appuyant sur ce constat.
C’est fort de ces remarques que nous voterons contre les comptes sociaux et consolidés.

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