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André SERRES, un passeur d’avenir pour chaque génération.

Il me revient aujourd’hui l’immense honneur d’intervenir au nom de la CGT-RATP pour évoquer la mémoire d’André et son implication dans notre organisation syndicale. Je ne reviendrai pas sur tout son parcours mais seulement sur quelques dates tant sa vie militante fût riche et très active.

S’il n’est jamais chose aisée que d’honorer la mémoire d’un de nos camarades, cela l’est d’autant moins pour André dont le parcours militant exemplaire et l’engagement sans faille pour le progrès social a traversé des époques et les heures sombres de notre histoire contemporaine, que notre génération ne subit pas et ne peut qu’imaginer au regard des récits dont André et celles et ceux qui ont fait la résistance, nous ont transmis.

Syndicalement c’est en 1940 qu’André adhère à la CGT. Il a alors 15 ans et cela intervient juste avant l’interdiction de la CGT et l’annonce de sa dissolution par le régime collaborationniste de Vichy. Il fût métallo chez Grouvelle et Arquembourg dans le 14ème arrondissement de Paris. Le 30 mai 1940, l’entreprise est délocalisée à Montpellier, il est alors licencié.

S’enchaine ensuite différents emplois aussi divers que garçon épicier, terrassier, bûcheron, confectionneur de jouets en bois, aide géomètre ou dans l’agriculture jusqu’en décembre 1943 où il adhère au Francs-tireurs et partisans Français, les FTP. Le 6 juin 1944, il entre dans la clandestinité.

Le 9 août 1944, il monte à Paris et il participe à plusieurs actions pour la Libération de Paris qui interviendra le 27 août. Rappelons-nous qu’à cette époque, André est encore mineur comme 75% des membres de la « Brigade Fabien ».

Le 10 février 1946, il est démobilisé et entre à la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (ancêtre de la RATP) aux ateliers de maintenance du matériel roulant ferroviaire.

Bien entendu, André est un militant CGT. Il rencontre Auguste Dobel et avec d’autres, ils mettent en application dans l’entreprise le programme du Conseil National de la Résistance notamment dans sa dimension des instances représentatives du personnel. La direction de l’époque s’y oppose fermement. Une longue bataille s’engage et par décision de justice, les camarades gagnent la mise en place du comité d’entreprise, Auguste Dobel en devient le 1er secrétaire de son histoire.

Engagé, il est aussi diffuseur du journal l’Humanité dans l’atelier. En 1953, il avait affiché, sur un panneau sur le mur extérieur de l’établissement, un article d’Eugène Henaff Secrétaire Général des syndicats CGT de la Seine. Avec d’autres camarades, Il fût arrêté par la police car cet article dénonçait la guerre d’Algérie. Face à l’injustice et pour défendre la liberté de la presse, les ouvriers ont débrayé et une délégation des ateliers est venue les chercher au commissariat avec le sous-chef des ateliers.

Condamnés à 4 000 francs d’amende, somme importante en 1954. Ils sont défendus par plusieurs avocats dont Roland Weil que plusieurs ici parmi nous connaissent. Il lui demande d’intervenir en audience et Maitre Weil lui répondit : « tu peux le faire mais c’est à tes risques et périls ». Il a donc pris la parole pendant 20 minutes dénonçant ce procès contre la Presse et la Liberté d’expression. Fidèle à son idéal d’un monde juste, toutes les situations étaient l’occasion de défendre le camp des travailleurs et des opprimés.

En 1955, il fut par la section syndicale CGT de Montrouge proposé comme délégué et intègre le bureau du GISO, le syndicat des ouvriers à la RATP.

De tous les combats à la RATP, André a œuvré pour un Comité d’entreprise, l’outil au service des travailleurs, pour conquérir des droits nouveaux au travers de notre caisse de sécurité sociale et son conseil de Prévoyance, le régime des retraites et notre statut du personnel de grande entreprise publique de service public.

Le 27 juin 1979, il fait valoir ses droits à la retraite après 35 ans de « bons et loyaux services » continuant à militer à l’Union Syndicale CGT-RATP des Retraités.

Comme à chaque fois lors de sa prise de parole, notamment lors de la commémoration annuelle de Château de Vincennes, il ne manquait pas de rappeler les circonstances de la Libération de Paris mais aussi dénonçait les attaques et les reculs sociaux opérés par les serviteurs zélés du capital pour détricoter les conquêtes du CNR.

Il y a encore peu de temps, il nous disait : « Cela fait 73 ans que les conquêtes de la Libération, de la Résistance apportent un mieux vivre à tout le personnel de notre entreprise (ouvriers et tous grades confondus) contre les rapaces des milieux financiers du capital. Il nous faut toujours défendre ces conquêtes sociales, contre tous ceux qui les remettent en cause, comme le disait Lucie Aubrac : « La Résistance se conjugue au présent ».

André était constamment révolté face aux injustices sociales et, alors que l’on pourrait naturellement s’attendre de la part d’un militant de son âge à un certain désintérêt pour l’actualité, il n’en était rien. Toujours critique sur le capitalisme et ceux de la classe bourgeoise qui œuvrent à son service, André était, est et sera à jamais pour nous, l’exemple du militant de combat qui jamais n’a hésité à agir concrètement pour son idéal, notre idéal commun d’un monde juste et de paix, débarrassé du capitalisme et de ses vassaux.

Il nous quitte dans une période de lutte de haut niveau à la RATP contre la remise en cause de notre régime de retraite solidaire par répartition. Son opiniâtreté à transmettre l’esprit de la Résistance, les valeurs et principes du programme national de la Résistance n’a vraiment pas été vaine.

Il a dû être fier de cette mobilisation historique à la RATP, cette entreprise publique nationale au sein de laquelle il a tant œuvré. Sans son héritage qu’avec d’autres il nous a transmis, sans cet esprit de résistance et cette confiance dans la mobilisation sociale, nombreux auraient été les conquis sociaux détruits. Il n’y a pas, dans les luttes sociales de spontanéité ou de hasard, toutes sont le fruit de notre histoire et de la transmission de nos anciens. André était de ceux-là et, c’est aussi pour cela, que nous tenions à saluer sa mémoire.

Il y a quelques mois encore, André m’écrivait pour me transmettre quelques conseils pour reconquérir l’influence de la CGT à la RATP suite aux résultats décevants des dernières élections professionnelles. Il ne s’agissait pas, pour lui, de donner quelques leçons, mais de conforter la CGT-RATP dans ses valeurs fondatrices, son renforcement pour un syndicalisme de masse et de classe. C’est donc inlassablement qu’il a toujours joué un rôle important dans notre organisation syndicale.

Animé en permanence par l’action en faveur de la paix et de l’amitié entre les peuples, il est un passeur d’avenir pour chaque génération. Comme chaque engagement au cours de son parcours de vie, il devait souvent se dire que même l’impossible mérite l’espoir. En tout cas, c’est l’héritage qu’il nous laisse aujourd’hui et pour demain.

Merci André et au-revoir.

Vitry (94), le 02 janvier 2020

P/ la CGT-RATP
Bertrand HAMMACHE
Secrétaire général de la CGT-RATP

ANDRÉ SERRES décoré de la Légion d’Honneur le 25.09.2012

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