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CA du 28 août 2014 : PMT 2015/2019

Devant les interrogations soulevées ces dernières années sur la trajectoire assignée à la filiale, on est passé d’un objectif de « croissance » à un objectif de « croissance rentable », mais le problème de fond reste le même : la rentabilité du secteur du transport public demeure et demeurera très basse car le secteur est étroitement dépendant de l’état des collectivités publiques qui, quasiment partout dans le monde, subventionnent à un degré plus ou moins important cette activité de service public.
Or, les politiques d’austérité et leurs effets réduisent les moyens de ces collectivités et donc les perspectives de marge des opérateurs. Dans les pays matures, là où la filiale réalise plus de 80% de son CA, la récession guette quand elle n’est pas déjà là. Conséquences : réduction de l’offre de transport ou/et durcissement des conditions contractuelles, et au bout du compte baisse de la profitabilité.
Il reste bien sûr quelques secteurs rentables, mais leur part demeure très faible et ils sont tous problématiques : les pays du Golfe et l’Extrême-Orient, mais on a vu avec les difficultés des contrats de Shenyang et Nanjing que les espérances de bonnes affaires pouvaient s’y révéler illusoires, et la plupart de ces opérations ne font pas l’objet d’une consolidation comptable ; il y a aussi des niches comme le sightseeing, mais beaucoup de monde s’y bouscule, y compris des opérateurs low cost.
Rappelons que c’est cette baisse globale de la rentabilité du transport public qui a conduit Véolia Transport, le numéro un du secteur, à prendre la décision de se retirer il y a quelques années, et cela malgré la tentative de redressement de ses comptes par le gouvernement de l’époque à travers la fusion avec Transdev. Tout comme sont significatives les difficultés de la CDC pour attirer un investisseur privé qui remplace son partenaire défaillant dans le capital de Transdev.
Tout cela a conduit à réviser un peu à la baisse les ambitions de croissance du chiffre d’affaires, du moins dans le scénario de base qui nous est proposé. Mais malgré cela, le financement de cette stratégie continue de poser problème.
Incapable de dégager un auto-financement suffisant, la filiale s’endette en effet pour financer une croissance de moins en moins rentable et verser des dividendes à l’EPIC : difficile de considérer cela comme de la saine gestion… L’astuce consistant à faire jouer à l’EPIC le rôle de banque de la filiale pour éviter une nouvelle augmentation de capital devenue politiquement invendable ne change rien à l’affaire et soulève au moins deux questions :

  1. Si l’EPIC est capable de dégager cet argent (150 M€ dans un premier temps, mais 274 M€ dans le scénario bis), on peut penser qu’il pourrait être mieux utilisé pour compenser par exemple les manques criants d’effectifs de l’EPIC avec leurs répercussions sur la qualité de service.
  1. On peut aussi être sceptique sur les dangers d’ordre juridique que ce montage fait indirectement courir à l’EPIC et à son statut face à d’éventuels recours de concurrents de RATP Dev, avec en filigrane la menace du récent arrêté européen concernant la Poste.

Il est affirmé que les ratios d’endettement demeurent sous maîtrise. Mais ces propos rassurants doivent être relativisés à la mesure de la fiabilité des prévisions de résultat. Fin 2009, le ratio résultat net/CA pour 2014 était annoncé à 3,4% ; il sera, si tout va bien, de 1,8% malgré l’effet d’aubaine du CICE. Le doublement de ce chiffre et du résultat net pour 2018 prévu dans les deux scénarii du PMT a toutes les chances de se révéler tout aussi irréaliste.
C’est le cas en particulier concernant les projections sur les secteurs France et Grande-Bretagne (qui représentent à eux deux les 2/3 du chiffre d’affaires) où la profitabilité est donnée en forte augmentation en totale contradiction avec les tendances observables.
Comme la dette de la filiale est évidemment consolidée et pèse sur les comptes du groupe, tout cela ne nous semble pas cohérent avec les objectifs centraux et sans cesse rappelés ici même de stabilisation et de diminution de la dette de l’entreprise.
Nous voterons donc logiquement contre le PMT proposé, de même que contre l’opération Hardy qui n’en est que la déclinaison.
Mais au-delà de ce vote, il nous semble qu’à la lumière de l’analyse du contexte, il est plus que temps de repenser de fond en comble les objectifs assignés à RATP Dev et sa stratégie de développement.
Avec une crise économique mondiale qui a toutes les chances de durer et de s’approfondir, la croissance du groupe RATP ne peut se faire n’importe comment, ni à n’importe quel prix. Le moment est donc propice pour réfléchir à un tout autre modèle pour RATP Dev.
Pour notre part, nous continuons à plaider pour un réexamen complet des finalités assignées à la filiale. Au lieu de la « croissance rentable », nous proposons ce que nous appelons « un développement de service public ». C’est-à-dire une stratégie fondée sur l’objectif de promotion du droit à la mobilité partout dans le monde, à travers un type de gestion qui rompe avec les critères et les pratiques des groupes privés au lieu de chercher à les copier. Nous avons accumulé à la RATP un savoir-faire important qui peut bénéficier à d’autres qui n’ont aujourd’hui ni les moyens ni l’expérience suffisants pour atteindre leurs ambitions. Donc oui au développement, mais la coopération doit être privilégiée pour orienter ce développement.
Cela signifie notamment :

  1. En France, la reprise d’une coopération avec les opérateurs publics existants, et donc en premier lieu du partenariat avec l’association AGIR qui regroupe les réseaux indépendants, partenariat malheureusement abandonné il y a quelques années. Cette association s’est du reste beaucoup renforcée dans la dernière période, en liaison avec le mouvement en cours pour un retour vers une exploitation publique directe par les collectivités locales en France.
  1. Ailleurs en Europe et au-delà, il faut également privilégier la recherche de coopérations avec les opérateurs publics existants, au lieu de contribuer au mouvement de libéralisation-privatisation qui détruit les services publics, comme nous nous apprêtons à le faire au Portugal (où les grands réseaux sont en voie de privatisation sous l’impulsion conjointe du FMI, de la BCE et de la Commission de Bruxelles). Là où c’est la logique d’appel d’offres qui prévaut malgré tout, nous devrions proposer aux opérateurs publics existants qui le souhaitent de formuler une proposition en commun et non pas les concurrencer.
  1. Concernant le modèle économique, les objectifs de chiffre d’affaires et de rentabilité doivent laisser place à d’autres critères fondés sur l’équilibre des comptes. Ce qui veut dire qu’il y aura des opérations rentables et d’autres qui ne le seront pas, les premières compensant les secondes. Ce qui nous permettra de décider des priorités d’action en fonction des besoins et non plus de la profitabilité supposée, afin par exemple d’être davantage présents dans une logique de coopération dans des zones comme l’Afrique ou l’Amérique Latine.

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