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RATP DEV : fuite en avant ?

wb_B8EA9D366A1F4FB5A3056131ECBA659ADéclaration des administrateurs CGT, UNSA, SUD, CFE-CGC, CFDT/CFTC sur le Plan à Moyen Terme 2013-2017 de RATP Développement au Conseil d’Administration de la RATP du 31 août 2012 :
Ce qui nous est proposé avec ce PMT, c’est « de reconduire la stratégie proposée l’an dernier. »
Ce choix ne nous semble pas en cohérence avec les éléments qui ressortent de l’analyse du contexte dans lequel RATP DEV déploie son activité.
Le premier élément de ce contexte, c’est évidemment la crise qui affecte profondément notre secteur d’activité car celui-ci, faut-il le rappeler, est étroitement dépendant des subventions publiques et donc de l’état des finances des collectivités territoriales et des Etats et des moyens que ceux-ci sont en mesure de consacrer au fonctionnement et à l’extension des réseaux avec une pression supplémentaire sur les coûts.
Nous en avons fait unanimement le constat à plusieurs reprises au sein de notre Conseil : Si des perspectives de développement se maintiennent pour l’heure dans les pays émergeants, dans les pays dits « matures » (Europe et Etats-Unis), c’est tout le contraire. Or, c’est là que le PMT prévoît de réaliser l’essentiel du chiffre d’affaires de la filiale (81% à l’horizon 2017, soit un pourcentage encore plus élevé que celui figurant dans le PMT adopté l’an passé).
Le retrait de Véolia de l’activité transport est l’exemple le plus emblématique de la crise de rentabilité qui affecte l’ensemble des opérateurs. Tout comme les difficultés de la CDC pour attirer un investisseur privé qui remplace son partenaire défaillant dans le capital de Transdev.
RATP DEV se situe dans la même dynamique. La comparaison des projections chiffrées d’un PMT à l’autre depuis deux ans est d’ailleurs très parlante. Elle nous indique deux choses :
– D’un côté l’évolution du chiffre d’affaires pour les années à venir est à peu près conforme à ce qui était envisagé dans les PMT précédents.
– Mais de l’autre les ratios de rentabilité sont sans cesse revus à la baisse et de façon notable : Fin 2009, on nous annonçait un rapport Résultat net/CA de 3,4% à l’horizon 2014 ; ce chiffre a été ramené à 1,6%. L’an passé, on prévoyait un résultat net pour 2016 de 46,5 M€ ; dans le nouveau PMT, on est descendu à 34,8 M€.
Autrement dit, plus la filiale se développe, moins elle est rentable.
Si l’on raisonne en termes étroits de rentabilité et de reversement de dividendes à la maison-mère, la stratégie consistant à gagner des positions dans l’attente de lendemains meilleurs pourrait avoir un sens si l’état des finances des collectivités était amené à se redresser à plus ou moins brève échéance avec un retour de la croissance.
La crise actuelle n’a rien de conjoncturel. Elle est au contraire profonde et durable. En particulier, la mise en oeuvre du pacte budgétaire européen confirmée lors du sommet de juin va se traduire par une fuite en avant dans l’austérité qui ne manquera pas de réduire encore davantage les marges de manœuvres des A.O. et impactera directement les opérateurs de transport.
Cela nous amène au problème crucial du financement de cette stratégie de développement accéléré de la filiale qu’on nous propose aujourd’hui d’entériner.
Après la nouvelle dotation en capital de 27 M€ par l’EPIC en 2012, il est annoncé que « RATP DEV finance de façon autonome son développement. » Mais en réalité, cela va se faire par le biais d’une croissance rapide et importante de l’endettement : de 35 M€ aujourd’hui, la dette va en effet passer à 201 M€ dès 2015.
Rappelons que jusqu’à très récemment, RATP Dev ne contribuait pas à alourdir la dette du groupe RATP ; au contraire elle permettait même de la diminuer très légèrement. Là, on entre donc dans une logique inverse. Est-ce bien cohérent avec les objectifs centraux et sans cesse rappelés ici même de stabilisation et de diminution de la dette de l’entreprise ?
L’an passé, dans une déclaration commune où ils expliquaient les raisons de leur opposition au PMT, l’ensemble des administrateurs salariés avaient notamment souligné ce point : « Est-il bien logique d’engager la RATP dans un développement accéléré à l’international susceptible d’aggraver encore l’endettement du groupe ? N’est-il pas au contraire temps de repenser de fond en comble cette stratégie ? ».
Pour notre part, nous continuons à plaider pour un réexamen complet des finalités assignées à la filiale. Dans un contexte de crise économique mondiale qui va durer, la croissance du groupe RATP ne peut se faire n’importe comment, ni à n’importe quel prix.
Les objectifs de rentabilité financière espérés il y a quelques années ne seront manifestement jamais au rendez-vous. Le versement de dividendes à l’EPIC exigé par la tutelle n’a d’ailleurs pas grand sens dans cette perspective, surtout s’il faut pour y parvenir grever la dette. Le moment est donc propice pour réfléchir à un tout autre modèle économique pour RATP Dev et infléchir sa stratégie.
C’est pourquoi nous voterons donc contre le PMT proposé.
Ajoutons trois réflexions pour conclure :
1. Il y a un mouvement net qui se confirme pour un retour vers une exploitation publique directe par les collectivités locales en France. Après Toulouse et Clermont, la ville de Nice, dont le maire n’est pourtant pas connu pour ses options anti-libérales, a annoncé début juillet qu’elle renonçait à la DSP et allait faire le choix d’une gestion en régie, en arguant que ni l’exploitation actuelle par Véolia, ni les propositions du concurrent Kéolis ne correspondaient à ses attentes. Dans ce contexte, la décision prise il y a un an et que nous avions critiquée de mettre fin au partenariat avec AGIR (qui regroupe les réseaux indépendants) apparaît comme un véritable contresens historique qu’il convient de rectifier au plus vite.
2. Comme nous l’avons souligné lors du débat stratégique de juin, l’avenir de RATP Dev dépend aussi et avant tout des décisions qui relèvent de l’Etat quant au type de rapports à instaurer entre les trois opérateurs français qui sont désormais tous majoritairement à capitaux d’origine publique et aux orientations de gestion qui doivent y prévaloir. Cette situation originale propre à notre pays est une chance à condition qu’on privilégie la logique de coopération entre ces opérateurs et qu’ils portent un modèle d’entreprise qui ne cherche pas à singer celui des grands groupes privés.
3. Enfin, concernant la gouvernance, nous constatons que, depuis le changement intervenu en la matière, et malgré les remarques très souvent unanimes des administrateurs salariés voire au-delà, le Conseil d’administration de l’EPIC censé définir la stratégie de RATP Dev se contente en fait de valider celle du directoire. Nous notons par ailleurs depuis ce changement un manque d’information du Conseil : par exemple, nous apprenons dans l’avis de la MCEFT que « la rentabilité de London United Buses baisse dangereusement » alors que cela n’a pas été mentionné en commission. Nous prenons acte que nous ont été remis sur table aujourd’hui les compléments d’information demandés lors de la commission économique, mais nous souhaitons néanmoins encore des améliorations dans la communication sur l’activité et les résultats de la filiale auprès des membres de notre Conseil.

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