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Se souvenir de Charonne (8 février 1962)

Intervention de Bertrand HAMMACHE pour la CGT-RATP

Merci à chacun et chacune d’entre vous d’avoir répondu présent à cette commémoration.

Merci aux différentes associations, partis politiques, aux membres des familles, à la Mairie de Paris, à la Direction de la RATP, au journal L’HUMANITÉ, à la CGT et à ses militants.

Ce 8 février 1962, plusieurs dizaines de milliers de salariés, d’étudiants, de citoyens manifestaient contre l’OAS, cette organisation d’extrême droite qui avait su capter l’angoisse d’une partie de la population.

Ce rassemblement intervenait en réaction après une série d’attentats perpétrés la veille. L’un d’eux, destiné à frapper le ministre de la Culture André Malraux, a provoqué de graves blessures à Delphine Renard, la rendant aveugle définitivement.

Lors de cette manifestation, des centaines de manifestants ont été gravement blessés, 9 camarades de la CGT, dont 8 étaient aussi membres du PCF, y ont perdu la vie…

Ils trouveront la mort, ici même, dans l’escalier de cette station de métro « Charonne » où ils étaient venus s’entasser en cherchant à se protéger et sur lesquels les policiers ont jeté des grilles en fonte.

Le mardi 13 février 1962, les obsèques au cimetière du Père-Lachaise ont provoqué l’une des plus importantes manifestations de la seconde moitié du vingtième siècle, avec plusieurs centaines de milliers de personnes, peut-être un million, se rassemblant dans le cortège funèbre.

« Charonne » est depuis devenu le symbole de l’honneur de ceux qui sont morts et de ceux qui vivent, animés par le combat pour la démocratie, la tolérance et la paix.

Ils s’appelaient :

  • Jean-Pierre Bernard, il avait 30 ans et était dessinateur aux télécoms à Montparnasse,
  • Fanny Dewerpe, elle était secrétaire et issue d’une famille « décimée par les nazis ». Son mari, André Dewerpe était mort en 1954 des suites des violences policières subies lors des manifestations de 1952. Grièvement blessée lors de la manifestation à Charonne, Fanny mourut à son arrivée à l’hôpital Saint-Louis.
  • Daniel Fery, apprenti de 16 ans…
  • Anne-Claude Godeau, était employée aux Chèques postaux dans le 15ème arrondissement de Paris, elle avait 24 ans.
  • Édouard Lemarchand, employé de presse de 40 ans,
  • Susanne Martorell, employée de presse de 35 ans,
  • Hyppolite Pina, maçon de 58 ans,
  • Maurice Pochard, employé de bureau de 48 ans,
  • Raymond Wintgens, typographe de 44 ans…

Cette année encore, notre commémoration en hommage aux martyrs de Charonne s’inscrit dans un contexte particulier de contestation sociale, de mouvements citoyens qui s’expriment pour plus de justice sociale.

La période n’est pas sans rappeler combien l’action de la police peu, aujourd’hui encore, s’inscrire dans des formes de répression qui n’ont rien à voir avec le maintien de l’ordre public. Tire de flash Ball et plusieurs dizaines de manifestants qui perdent des yeux, lancement de grenade anti rassemblement et plusieurs personnes qui perdent une main, éclatée par la déflagration.

La CGT, avec la ligue des droits de l’homme, est intervenue pour tenter de faire stopper leur utilisation… le Conseil d’État a repoussé cette exigence, l’État porte aujourd’hui encore comme hier pour Charonne l’entière responsabilité de cette situation au regard des moyens utilisés par les forces de l’ordre et des consignent données à tous les niveaux de la hiérarchie.

De plus, à l’initiative des Sénateurs de droite, la majorité gouvernementale à l’Assemblée Nationale vient de voter une loi dite « anticasseurs ». Une nouvelle foi, pour des prétextes fallacieux c’est la liberté de manifester qui est de nouveau remise en cause. La démonstration est de nouveau faite que le réflexe sécuritaire et l’atteinte aux libertés publiques est le signe d’un gouvernement fébrile et qui craint par-dessus tout l’expression citoyenne.

Il est donc difficile de ne pas faire un parallèle avec le 8 février 1962, avec l’actualité où le gouvernement au lieu de répondre à l’urgence sociale par des mesures de justice sociale, y répond par des dispositifs répressifs violents et liberticides.

57 ans après jour pour jour, nous sommes réunis pour rendre hommage à nos camarades tombés ici même. Ainsi, cette cérémonie incarne le témoignage de notre reconnaissance de leur action, mais aussi l’affirmation de notre engagement actif dans les combats de notre temps pour le progrès social, la défense des droits, de la liberté et pour le droit d’expression.

Vous, les martyrs, vous aspiriez à un monde meilleur, un monde de justice et de paix. Aujourd’hui, sans l’ombre d’un doute, vous vous seriez dressés contre ces politiques qui font de la précarité sociale la règle, qui utilisent la misère comme un aiguillon des politiques au service d’un capital jamais rassasié des richesses créées par le travail.

À vous, les martyrs de Charonne, dont les assassins lâches et serviles ont commis un crime d’État et qui pourtant ne seront jamais jugés.

Je vous invite maintenant, en leur mémoire, à observer une minute de silence.

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