La réforme de la formation professionnelle
Une logique d’individualisation de la formation
Tout d’abord si l’intitulé peut paraître comme alléchant : « Loi pour choisir son avenir professionnel », la loi N° 2018-771 du 5 septembre opère une fois encore un changement en profondeur de la formation professionnelle dans les entreprises.
Elle comporte différentes dispositions que nous n’aborderons pas ici, comme l’apprentissage, l’égalité professionnelle, les travailleurs détachés, l’indemnisation aux chômeurs, le harcèlement sexuel et les travailleurs handicapés.
Avec cette loi le gouvernement a souhaité recentrer ses moyens financiers, comme l’avait déjà commencé en son temps Nicolas SARKOZY en passant de 120 les organismes collecteurs (OPCA) à 20 où siègent prioritairement des organisations syndicales et des représentants nationaux.
Le gouvernement est allé plus loin en concentrant davantage le champ d’intervention de ces organismes. Pour cela les OPCA sont remplacés par des opérateurs de compétences OPCO (au nombre de 11). Le rôle des organismes paritaires sont ainsi revisités « afin de les conforter comme outil au service des branches et des filières économiques, au profit des entreprises et des actifs », (c. travail ; art. L.6332-1).
L’EPIC RATP a intégré l’OPCO 4 – OPCO Mobilité regroupant les secteurs des transports et des services automobiles. La RATP petit poucet avec 45 000 agents face à des branches comme le transport qui compte 750 000 salariés et celle de l’automobile 380 000.
Afin d’avoir toute sa place au sein du conseil d’administration, la direction de la RATP devait trouver un accord avec les organisations syndicales de l’EPIC.
La CGT a donc décidé de signer cet accord dans la spectatrice que la RATP ne soit pas isolée dans cet OPCO. Un conseil des métiers RATP (organisme paritaire) est donc créé, avec une présidence alternée (direction, OS).
Cette nouvelle loi n’est pas sans impact pour les agents RATP, puisqu’elle acte la disparition du Congé individuel à la formation (CIF). L’UNAGECIF s’est vu rayé de la carte au 1er janvier 2019. De fait l’organisme gestionnaire des demandes des agents RATP se voit maintenu encore pour une année. Durant ces 12 mois, l’UNAGECIF continuera à accompagner les agents en conseils, en évolution professionnelle, tout en veillant sur les personnes engagées dans des formations de reconversions et autres.
Le CPF de transition
En remplacement du CIF, est créé un CPF (compte Professionnel de Formation) de transition. Le CPF peut être mobilisé en vue de suivre une action de formation certifiante destinée à changer de métier ou de profession dans le cadre d’une transition professionnelle (PTP).
Pour bénéficier d’un PTP, le salarié doit justifier d’une ancienneté d’un an dans la même entreprise (salarié CDI). La rémunération dépend, elle, du salaire brut du salarié.
Après la phase d’accompagnement, le projet du salarié devra être présenté à une Commission Paritaire Interprofessionnelle Régionale (CPIR).
Le CPF monétisé
Le CPF qui hier était identifié en nombre d’heure, est depuis septembre 2018 comptabilisé en EUROS.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Tout d’abord chaque CPF est crédité de 500€ par salarié cumulable sur 10 ans, portant le plafond à 5 000€.
Pour les personnes n’ayant pas un niveau 5 de qualification (CAP/BEP) leur CPF sera renforcé de 300€ portant le plafond à 8 000€.
Les heures accumulées au titre du CPF et du DIF sont elles aussi monétisées, l’unité de mesure sera de 15€/heure. Concrètement, dès le 1er janvier 2019, un salarié pourra convertir un maximum de 72 heures de CPF soit 1 080€. Il pourra également convertir au maximum 120 heures inscrites au titre du DIF avant le 1er janvier 2021 soit 1 800€. Au total un salarié pourra être détenteur d’un solde de 2 880€.
Par ailleurs, la loi met fin à la condition d’utilisation du CPF (C. travail ; Art. L.6323-6). L’éligibilité sera étendue à toutes les formations sanctionnées par des Certifications professionnelles enregistrées au RNCP (Répertoire National des Certifications Professionnelles).
L’entretien professionnel
La loi du 8 août 2016 avait imposé à l’employeur d’informer le salarié sur ses perspectives d’évolution professionnelle et sur la validation des acquis de l’expérience.
L’entretien professionnel doit dorénavant détenir de nouvelles informations : l’activation du compte personnel de formation (CPF) du salarié, les abondements que la société est susceptible de financer et le conseil en évolution professionnel.
Un bilan des formations engagées (à minima une sur la période) tous les 6 ans ou d’une VAE ou d’une progression salariale ou professionnelle.
La sanction encourue pour les entreprises n’ayant pas satisfait à cette obligation, est allégée.
Pourquoi la CGT n’a-t-elle pas signée cette loi « choisir son avenir professionnel » ?
Une logique d’individualisation de la formation, initiée par la création du Compte Personnel de Formation (CPF) en tant que dispositif unique :
- Une baisse d’1 milliard d’euros des obligations faites aux entreprises pour le financement de la formation professionnelle des salariés,
- Un démantèlement complet du système de financement de la formation,
- Une remise en cause de la reconnaissance des qualifications, des diplômes à travers les « blocs de compétences »,
- Une réforme de l’apprentissage qui confirme la volonté de revenir au « paiement à la tâche » et donc de baisser les salaires,
- La disparition du Congé Individuel de Formation (CIF), seul droit à la formation opposable dont disposent les salariés,
- Un compte Personnel de Formation doté de plus d’heures mais qui restera un leurre pour la majorité des salariés,
- Un nouveau système où le salarié perd des droits « formels » transformés en droits « virtuels » et capitalisables qu’il devra compléter sur son propre budget et sur son temps personnel.
Après les reculs sociaux sur le Code du travail, la réforme du baccalauréat, la sélection à l’université, etc., le patronat obtient ainsi une nouvelle régression en matière de droit à la formation professionnelle.
Cette réforme va accroître les inégalités d’accès à la formation, alors qu’un accord répondant aux enjeux d’avenir était nécessaire et possible.
Le dogmatisme du gouvernement le rend aveugle sur les enjeux de la formation professionnelle pour le monde du travail.