01.07.2016 Plan à Moyen Terme 2017-2020
En août dernier, plusieurs administrateurs, notamment dans le collège salarié, avaient exprimé des doutes sur la validité des hypothèses du PMT 2016-2020.
En particulier, nous pointions les effets sur l’activité de la filiale des politiques d’austérité dans les pays matures, du fort ralentissement de la croissance dans les pays émergents et des limites du sightseeing. Nous avions alors exprimé que, dans ces conditions, le triplement annoncé de l’EBIT ne serait pas au rendez-vous, et que le maintien des objectifs de chiffre d’affaires ne pouvait qu’engendrer une augmentation préoccupante de l’endettement. Nous avions défendu sur cette base un modèle de gestion alternatif reposant sur trois volets :
- Inverser l’ordre des priorités au sein du groupe pour privilégier le développement en Ile-de-France à travers l’EPIC ;
- Repenser le développement hors Ile-de-France et à l’international sur d’autres bases et d’autres critères ;
- Coopérer avec les deux autres opérateurs français.
Aujourd’hui, la reprévision budgétaire pour 2016 vient doucher les prévisions enthousiastes de l’an passé et nous donne raison :
- Les revenus de cette année seront inférieurs de près de 6% aux prévisions initiales ;
- Le taux d’EBIT prévu à 3,2% est ramené à 2,5%, soit moins qu’en 2015 ;
- Le Revenu Net Part du Groupe qui était censé croître de 60% va en fait baisser de moitié par rapport à l’an dernier ;
- Conséquence de ces résultats fortement revus à la baisse, comme on pouvait le craindre, le ratio Dette/EBITDA va dépasser nettement la limite des 2,5 fixée par notre Conseil.
L’impact des effets de change n’explique pas tout, encore que cet aspect dévoile aussi la fragilité des revenus de RATP Dev dans un portefeuille d’activités où la part du Royaume-Uni demeure prépondérante. Il y a aussi des causes économiques plus structurelles qui engendrent une profitabilité moindre des contrats. Et derrière les difficultés à conclure ou renouveler des contrats comme en Toscane, à Manchester, à Casablanca ou dans le Golfe persique, il y a à la fois l’exacerbation de la concurrence et l’impact des restrictions budgétaires des autorités organisatrices, avec à la clé une montée des coûts de développement. Quant au sightseeing, on voit à quel point les revenus escomptés de cette niche peuvent être aléatoires car très dépendants des variations de l’activité touristique et donc d’éléments que nous ne maîtrisons pas.
Le principe de réalité qui a conduit à cette révision budgétaire pour 2016 aurait aussi dû être de mise pour bâtir un PMT plus réaliste. Ce n’est malheureusement pas le cas.
Le PMT qui nous est soumis (et qui porte pour la première fois sur 4 ans et non plus 5) a certes pour partie revu à la baisse les résultats financiers à l’horizon 2020 par rapport à la précédente mouture du plan : le taux d’EBIT est ramené de 5,2% à 5%, le RNPG de 52,2 M€ à 47,8 M€, et le revenu net de 4% du chiffre d’affaires à 2,8%. En revanche, les objectifs de croissance sont non seulement maintenus, mais même renforcés, puisque le CA visé pour 2020 est supérieur de 187 M€ hors effet de change à celui annoncé l’an dernier. Cela traduit l’obsession d’atteindre les 2 Mrds€ de chiffre d’affaires, à travers notamment le rachat de 6 sociétés. On a même droit à un scénario bis qui en rajoute une couche avec trois acquisitions supplémentaires.
Maintenir ainsi un objectif de croissance élevée avec une profitabilité en baisse est une équation qui donne un résultat bien connu : c’est l’accroissement du besoin de financement externe. Le PMT prévoit à ce sujet des solutions qui soulèvent pour le moins de sérieuses interrogations :
- Une dotation de l’EPIC portée dans le scénario de base à 120 M€ contre les 70 M€ qui étaient annoncés encore l’an dernier. Donc 30 M€ par an en moyenne, soit l’équivalent du financement de 600 emplois dans l’EPIC.
- Une montée du ratio d’endettement. Celui-ci était prévu à 2,01 en 2020 dans le scénario incluant la Toscane. Il passe désormais à 2,44. Et tout laisse penser que ce chiffre est très sous-estimé car il dépend évidemment des prévisions d’EBITDA, mais aussi du refinancement de l’Open Tour pour 50 M€. Or, rappelons que cette opération était prévue pour l’an dernier ; elle avait ensuite été reportée faute de trouver des investisseurs ; et maintenant, on espère conclure en 2020. Si ce n’est pas le cas, la dette sera grevée de 50 M€ de plus. Tout porte donc à croire que le ratio limite de 2,5 ne sera pas plus respecté à la fin du plan qu’il le sera cette année.
Dans ce contexte, deux points constituent des sujets de préoccupation majeurs :
- D’abord l’opération Toscane. Nous l’avons critiquée sur le fond car il s’agit finalement de gagner de l’argent en supprimant 10% de l’offre de transport et 1000 emplois. Mais, au-delà de cet aspect, on voit aussi qu’elle se heurte à des difficultés bien supérieures à ce qui avait été dit au départ, puisque le calendrier est maintenant qualifié d’ « incertain ». Nous avions du reste mis en garde à ce propos.
- Ensuite l’Open Tour déjà évoqué. Il faut rappeler que le matériel roulant sur ce service est très ancien et absolument pas compatible avec les nouvelles exigences écologiques portées par la Ville de Paris. Une dépréciation des actifs et la nécessité d’investissements importants à court terme ne sont donc pas à exclure. En plus des incertitudes sur la fréquentation touristique, c’est aussi une raison qui explique notre difficulté à régler le problème du refinancement.
Au total, ce PMT apparaît irréaliste et risqué. Aucun enseignement ne semble avoir été tiré des résultats comptables de ces dernières années. On persiste à se polariser sur des objectifs de croissance incompatibles avec les moyens financiers à disposition, et le prix à payer est de plus en plus élevé.
Nous alertons l’ensemble du Conseil sur la fuite en avant que porte ce plan, avec un risque de gaspillage des deniers publics.
Pour notre part, nous prendrons nos responsabilités d’administrateurs en votant contre ce plan et en continuant à demander un changement de cap radical des orientations fixées à RATP Dev.
Déclaration des administrateurs salariés soutenus par la CGT, UNSA, SUD et sans étiquette sur le Plan à Moyen Terme 2017-2020 de RATP Développement au Conseil d’Administration de la RATP du 1er juillet 2016