15.01.2015 Intervention des administrateurs salariés CGT, sur les suites des attentats
Les dramatiques attentats qu’a connus notre pays au début de cette année ont provoqué une forte mobilisation citoyenne autour des valeurs de la République, mais elles ont aussi fait naître un débat salutaire sur les fractures qui traversent notre société et le monde et sur les moyens d’y faire face.
Nous voulons d’abord saluer les personnels de notre entreprise qui se sont mobilisés le jour-même, notamment pour accompagner les victimes et témoins des attentats.
Au-delà, ces événements amènent à nous interroger sur la façon dont les valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité sont effectivement mises en œuvre dans notre entreprise. Sans les surestimer, on constate en effet un certain nombre d’évolutions préoccupantes ces dernières années. On observe ainsi des tentatives de remise en cause du principe de laïcité (qui, rappelons-le, est celui qui garantit la liberté de conscience et de culte), tant au niveau des relations de travail entre collègues que de l’organisation du service lui-même. De même, nous voyons se banaliser des propos et comportements racistes, sexistes et discriminatoires, ainsi que leur corollaire, à savoir l’apparition de logiques communautaires sur des bases ethniques ou religieuses qui tendent ça et là à se substituer au vivre ensemble dans l’entreprise.
Bien sûr, ces dérives touchent toute la société et la RATP, qui avec 44000 agents est le deuxième employeur de la Région, ne saurait être épargnée. Mais nous avons collectivement la responsabilité d’agir pour combattre ces phénomènes à notre échelle. C’est d’autant plus nécessaire qu’en tant qu’entreprise publique exerçant une mission de Service public nous avons un devoir d’exemplarité en la matière.
L’édition d’un guide de la laïcité a été une initiative dans ce sens. Cependant, il nous faut constater qu’elle n’a pas suffi à enrayer la tendance générale. Pour combattre les phénomènes cités et retrouver le sens du collectif, la clé est de remettre à l’ordre du jour les valeurs du Service public. Celles-ci ont en effet été depuis trop longtemps mises au second plan au profit d’une logique de gestion polarisée sur la performance financière, quand elles n’étaient pas tout simplement dénigrées au nom d’une prétendue modernité.
Cela concerne en premier lieu les procédures de recrutement. Ces valeurs ont en effet complètement disparu des processus d’embauche depuis plusieurs années, créant ainsi les conditions de problèmes multiples dans la gestion au quotidien d’un nombre non négligeable de jeunes agents. Or, nous ne sommes pas une entreprise comme les autres, mais un Service public. L’attachement à celui-ci, et notamment au principe d’égalité des droits qui en constitue le cœur, la bonne compréhension et l’acceptation des sujétions que cela implique, doivent redevenir des critères de sélection de nos personnels.
Il y a également nécessité de combattre dans l’entreprise les comportements incompatibles avec les valeurs de Service public. A ce sujet, il y a un besoin d’harmonisation des pratiques managériales. Cela suppose que l’encadrement ait des consignes claires, notamment à l’égard des velléités d’introduire des pratiques religieuses de quelque nature que ce soit dans les locaux de l’entreprise ou d’en faire un argument opposable aux contraintes du Service public.
En même temps, il faut multiplier les initiatives de sensibilisation aux valeurs du Service public. A la fois vis-à-vis de l’environnement de la RATP (la Fondation a un rôle évident à jouer à ce titre) et en interne en direction du personnel. On peut le faire en combinant des initiatives institutionnelles à l’image de la campagne engagée il y a quelques années sur le thème du respect, mais aussi en irriguant nos formations de ces valeurs et en donnant aux agents qui souhaitent agir sur ce terrain les moyens de provoquer à l’échelle décentralisée le débat et l’échange sur le vivre ensemble, la laïcité et l’exercice de la citoyenneté à l’entreprise.
Enfin, faire reculer les tendances au communautarisme, retrouver du sens collectif et renforcer l’unité des personnels conduit à s’interroger sur les effets des organisations du travail. En particulier sur la multiplication des situations où l’agent se retrouve isolé, ou sur la réduction importante des périodes de mise en double et de tutorat, avec comme conséquence une transmission plus difficile et plus aléatoire non seulement des savoir-faire, mais aussi des valeurs de Service public et de ce qu’elles impliquent au quotidien.
Telles sont les réflexions et les propositions que nous souhaitions soumettre au Conseil.