Déclaration CGT-RATP au CSE-C du 23/09/2020
C’est maintenant un fait acquis, vous avez fait le choix de la voie du démantèlement de LA RATP pour l’inscrire dans ce que vous êtes parmi les premiers à nommer : la modernité.
Alors, grande question que de plus en plus de travailleuses et de travailleurs se posent : en quoi consiste la modernité? A la CGT, nous en avons une idée assez précise tant la philosophie du travail que vous portez avec un zèle de plus en plus décomplexé apparaît dans tout son obscurantisme économique et social.
Obscurantisme volontaire, politiquement, économiquement et socialement dangereux.
Oui, pour vous, démanteler un Etablissement Public Industriel et Commercial, c’est moderne ! Pour un peu, n’ayant plus peur d’inverser le sens des mots et des idées, vous prétendriez même que c’est progressiste. Vous affirmez même que c’est dans le souci de la satisfaction du « client » et que celles et ceux qui s’y opposent sont donc des conservateurs du siècle passé, siècle ô combien archaïque à vos yeux. Nous sommes en tout cas, légitimes à penser cela de vous car il faut bien admettre que les faits sont là.
A vos yeux, le 19ème siècle qui s’est objectivement caractérisé par une exploitation acharnée des forces vives du pays, basée sur la liberté d’entreprendre et la propriété privée des biens de production est, idéologiquement, bien plus moderne que le 20ème…
Vous allez encore penser que la CGT-RATP fait dans l’exagération, la surenchère et le superlatif mais les faits sont têtus, Mesdames et Messieurs de la direction !
Jusqu’à encore récemment – mais nous étions encore dans ce 20ème siècle archaïque – le temps de travail, en France, suivait une évolution descendante depuis que la CGT portait cette revendication essentielle à l’existence du plus grand nombre : l’interdiction du travail des enfants, la baisse du temps de travail, la semaine de 48h puis la semaine de 40h, les congés payés, les comités d’entreprises, les grandes nationalisations pour l’organisation des grands services publics dans le souci d’en assurer l’égalité d’accès à tous, quelque soit son lieu de résidence et quelques soient les niveaux de revenus, la semaine de 39h, la retraite à 60 ans, la semaine de 35h, sans même parler de la question des salaires… Toutes ces grandes orientations politiques et stratégiques ont été jugées pour ce qu’elles ne sont pas, à savoir des archaïsmes « aberrants » , dignes du 20ème siècle, c’est-à-dire d’un siècle où la très grande majorité de l’humanité n’avait décidément rien compris au principe de base pour le « bon » fonctionnement du capitalisme mis en place, en France au 19ème siècle, par des dirigeants que, vu vos mentalités de manageurs, vous ne pouvez, en toute logique, renier, à savoir : vos majestés Charles X, Louis-Philippe et votre grandeur, Louis Napoléon Bonaparte, qui ont été, dans ce 19ème siècle béni par les banquiers et les, toutes nouvelles à l’époque, bourses financières.
Décidément le 20ème siècle, que l’on peut caractériser, et même si ça n’a pas été facile, par celui des grandes conquêtes sociales, y compris à une époque où les, très respectables, journaux patronaux n’hésitaient pas à titrer en 1ère page « Plutôt Hitler que le Front Populaire! », ce 20ème siècle, disions-nous, est donc décidément bien celui des archaïsmes du point de vue de vos références philosophiques, politiques… et donc idéologiques.
Vous aurez à l’assumer !
Pour notre part et malgré vos nombreuses menaces, vos violentes attaques contre nos représentants syndicaux et du personnel, nous tenons à vous le dire, sans haine, ni rancune, mais avec une détermination qui ne faiblira pas. Nous nous y opposons et nous nous y opposerons au moins jusqu’à ce que l’on renationalise la RATP qui, cette fois-ci, sera très éloignée de vos concepts basés sur le « business », très vilain vocable qui, sans le dire, prône et autorise les pires dérives managériales qui soient, vous nous en avez fait de multiples démonstrations, surtout ces 24 derniers mois. Nous n’y reviendrons pas, mais nous vous invitons à relire notre dernière déclaration lue dans cette instance, pour rappel de vos agissements.
De notre côté, nous assumerons les nôtres qui resteront, envers et contre tout, basés sur la défense des intérêts et des droits des salariés, comme de ceux de nos usagers, bref, l’intérêt général.
Entendez-nous bien, Mesdames et Messieurs de la direction, tout ce qui précède n’est en rien une déclaration « de guerre ».
Pour rappel, c’est vous qui avez commencé et c’est vous qui continuez à organiser la destruction de tout ce qui cadre nos vies, tant professionnelles que privées. Si guerre il y a, c’est vous qui l’avez déclarée et c’est vous qui la menez. Nous, nous sommes dans la résistance…
« – Une durée maximale quotidienne de travail de principe de 10h, …, mais qui doit pouvoir être portée à 12h par l’employeur pour des motifs liés à l’impératif de continuité de service public… Parce que ces dépassements sont liés à des motifs de continuité de service public, ils doivent pouvoir se faire rapidement ce qui justifie que l’employeur puisse y procéder sans demander l’accord de l’inspection du travail. » Et sans demander l’accord des salariés non plus?
« – Une durée maximale hebdomadaire absolue de 48 heures associée à une durée moyenne hebdomadaire de travail de principe de 42 heures sur 12 semaines qui doit pouvoir être portée à 44h sur 12 semaines par l’employeur pour des motifs liés aux contraintes d’exploitation ou à la continuité du service public ou encore en cas de circonstances exceptionnelles ou d’urgence. »
« – Un temps de repos de 11h, mais qui doit pouvoir être réduit à 10h par l’employeur, sans autorisation de l’inspection du travail, pour des motifs liés à des impératifs de continuité du service public ou encore en cas de circonstances exceptionnelles ou d’urgence. » Et, grande conquête sociale s’il en est, si l’employeur souhaite descendre ce repos interruptif à 9h, il faudra qu’il le négocie au niveau de la branche ou de l’entreprise avec les organisations syndicales représentatives ! On croît rêver… A l’inverse, a-t-on prévu d’ajouter dans ce décret la possibilité d’accords d’entreprise ou de branche pour la mise en place de la semaine de 32 heures hebdomadaire, sans perte de salaire et avec la mise en place de repos supplémentaires? Si oui, il faut nous le dire parce que nous n’avons rien lu de tel…
« – Un temps de pause de 20 minutes qui peut être fractionné sans limite de temps minimal afin de répondre à l’imprévisibilité des conditions de circulation et des perturbations courantes dans la zone dense urbaine francilienne ainsi qu’aux exigences fortes de l’autorité organisatrice en termes de fréquence et de régularité des bus. » Autant dire que ce temps de pause est fractionnable, au point de le faire disparaître « corps et âme ». Les contraintes liées à la densité urbaine, ainsi que les « exigences » d’IDFM – ou plutôt devrait-on dire de l’idéologue en cheffe, Valérie Pécresse, – ont bon dos. Nous sommes ici à l’exact opposé de l’abattement de 15 minutes sur chaque service pour retard structurel, payé mais non effectué… quand ça roule bien, bien entendu.
A la lecture de tout ceci, on se rend compte que les contraintes inhérentes à l’exploitation du transport de voyageurs en milieu urbain dense et aussi, aux fameuses exigences de la 1ère dame de la région, que nous qualifierons d’idéologiques plutôt que techniques, ont le dos bien large pour autoriser de nous faire revenir des décennies en arrière en terme temps de travail, de conditions de travail et de garanties sociales. Vous comprendrez donc bien qu’en vertu des mandats représentatifs que nous ont assignés les salariés de la RATP, nous ne signerons rien de ce que vous êtes, de votre côté, tenus de nous proposer de valider, n’est-ce-pas?
Or donc, sachez-le, à partir d’aujourd’hui, pour le cas où, dans l’esprit de certains la chose ne serait pas encore concrète, nous ne signerons rien des sujets à l’ordre du jour qui ne soient dans l’intérêt des agents et salarié-e-s de LA RATP, EPIC national à vocation régionale, des habitants de la région, du rôle stratégique, d’un point de vue économique et social, qu’exercent les transports en commun dans la 1ère région économique d’Europe, et, en dernier recours, dans l’intérêt de la nation, encore que tout cela soit indubitablement lié.
Ce n’est pas pour rien que notre entreprise a été créée. Ce n’est pas pour rien que vous participez à sa destruction et à la destruction de la valeur du travail salarié.
Ce qui nous ramène au dossier de la mise en vente des quelques 19 000 agents et salarié-e-s de la RATP. Car tout le monde a bien compris, et depuis longtemps, que cette concurrence se fera exclusivement sur le dos de ces derniers. C’est même tout l’objet, la raison intrinsèque, de cette libéralisation. Ce n’est pas le travail que vous cherchez à libérer, c’est le capital ! Et si vous espérez nous faire croire que cet objectif politique et idéologique a pour but de baisser les coûts de fonctionnement, ne pensez pas que les salarié-e-s soient dupes ! Ils savent aujourd’hui, grâce à notre organisation, que le coût du kilomètre/voyageur est constitué à 70% par la masse salariale. C’est donc, au regard de l’augmentation du coût à l’achat du matériel roulant, bel et bien le seul levier dont vous disposez pour, sinon baisser le coût total, tout du moins le maintenir à un taux plus ou moins contrôlé…
Plus les bus coûtent cher, moins celles et ceux qui les conduisent doivent avoir de « prétentions », et la boucle est bouclée.
Nous ne partageons rien de tout cela. Nous ne signerons donc rien des éléments qui permettront que vous vous gaviez sur le dos des salarié-e-s, passez-nous l’expression car elle n’est en rien usurpée ou exagérée. En effet, combien toucherez-vous de primes d’objectifs, vous, les cadres supérieurs et premiers dirigeants de l’entreprise, une fois appliquées les nouvelles règles ?
Vous organisez la précarisation du salariat pour remplir vos propres coffres bancaires. Voilà où nous en sommes, du point de vue sociétal.
Vous êtes du mauvais côté.
Vous êtes, normalement, des gens censés vous comporter en citoyens responsables.
Il n’appartient qu’à vous de vous mettre du côté de l’intérêt général, de façon désintéressée.
Passons maintenant aux deux éléments principaux de cette séance, portées à l’ordre du jour:
DIAPASON :
Le programme DIAPASON, lancé en avril 2018, vise la suppression de 1000 postes (ETP) sur sept ans, dans le seul périmètre des fonctions support de l’entreprise. Ce plan de productivité est bâti sur une affirmation qui n’a jamais été démontrée : Les fonctions support de l’entreprise représenteraient 20% des charges de celle-ci, là où elles ne représenteraient que 15% des charges de nos concurrents (lesquels, on ne le sait même pas?).
Identifier précisément ce qui relève des fonctions support pour en dégager les charges afférentes est un travail délicat. D’ailleurs, l’équipe DIAPASON a procédé en 2019 à un réajustement du périmètre de DIAPASON. Etablir que les fonctions support de l’entreprise pèsent pour 20% des charges n’a déjà rien d’évident, mais tenir pour sûr que ce ratio s’élève à 15% chez nos concurrents est plus que contestable.
Quoiqu’il en soit, quand bien même cette comparaison aurait quelque réalité, que faudrait-il en penser? Les fonctions support ne sont pas des fonctions que l’on supporte, mais des fonctions qui supportent la création de valeur. Pourtant, sont-elles surabondantes, bien dimensionnées ou insuffisantes? La démonstration reste à faire.
Reste à l’entreprise comme justification de son plan pluriannuel de suppression d’emplois (150 par an), la propagande éculée d’une concurrence qui ne nous laisserait que le choix de s’adapter ou de disparaître…
Cela étant dit, 2020 marque la troisième année du programme et l’heure d’un premier bilan est venu.
2018 a vu la disparition de 93 postes (ETP), 2019 142 postes et 2020 prévoit la suppression de 149 ETP.
2018 était l’année de lancement, ce qui explique un résultat inférieur à l’objectif de 150 ETP. En 2018, tous les départements ont été invités à penser et construire leurs réorganisations DIAPASON. A ce titre, 2019 et 2020 sont les années fastes du programme. Pour autant, les suppressions de postes sont restées, en 2019 et 2020, sous l’objectif de 150 ETP par an. Le programme est donc – heureusement – en difficulté tant il paraît compliqué de demander dans les quatre années à venir, aux différents départements de faire du DIAPASON sur DIAPASON, sans courir le risque d’une trajectoire à la France Télécom !
La direction de l’entreprise en a conscience, en demandant à l’équipe projet de sécuriser la trajectoire de DIAPASON, quitte à innover en grand.
Ainsi, la direction de l’entreprise ambitionne de négocier avec les organisations syndicales de l’entreprise un plan de rupture conventionnelle collective, véritable plan social « soft ». Dans une entreprise où le licenciement économique n’existe pas, cette perspective ne peut que surprendre.
Au vu de la situation économique qui s’en vient, du Plan de Relance du gouvernement et des déclarations de l’avenue Bosquet au Faubourg Saint-Honoré, consistant à faire de l’emploi la priorité des priorités, le projet de l’entreprise d’une charrette de 150 à 200 emplois est tout simplement choquant. Les organisations syndicales jugeront !
LYBY + :
Pour la CGT, les choses sont claires.
LYBY +, tout comme Val-Bienvenu ou SHAMROCK, participent d’un vaste plan de productivité des espaces tertiaires de l’entreprise au prix d’une dégradation certaine des conditions de travail. L’entreprise ne s’en cache d’ailleurs pas en affichant un objectif de « réduction de son empreinte tertiaire », maquillant au passage sa recherche d’économie derrière une préoccupation environnementale.
Non, la propagande de la direction pour nous convaincre que les espaces dits « dynamiques » (nouveau nom de l’Open Space) accompagnent les nouvelles pratiques de travail n’y fera rien. Les agents ont bien compris que, faire tomber toutes les cloisons, mutualiser les espaces de travail et densifier l’espace, au point de loger 3000 agents là où ils ne sont que 2200 aujourd’hui, n’a rien de moderne (nous y revoilà!), ni désirable. Encore moins en période pandémique dont on ne sait absolument pas quand nous en serons sortis.
Voilà ce que nous pensons, à la CGT, depuis que ces programmes ont vu le jour.
Deux larges consultations des agents sur la transformation des espaces tertiaires (une sur Val-Bienvenu en 2017 et une sur LYBY + en 2018) nous ont confortés dans notre analyse : plus de 80% des agents jugeaient leur environnement de travail, avant transformation, satisfaisant, voire très satisfaisant ; 85% se déclaraient hostiles ou réticents à l’open-space et 90% hostiles ou réticents au desk-sharing (flex-office).
Pour la CGT, LYBY + est d’abord et principalement une opération de productivité visant une économie sur les espaces de plus de 10 millions d’€uros par an.
Là dessus, la crise de la COVID-19, dont nous ne sommes pas encore sortis, est venue éclairer d’un jour nouveau la pertinence de ces transformations.
Toutes les entreprises qui se sont engagées avant nous sur le chemin de ces transformations ont fait le même constat : l’open-space « flex-officisé » est complètement inadapté pour lutter contre une épidémie : suppression des barrières physiques (les cloisons), partage des bureaux, densification. Le ministère du travail partage cette analyse et peine à édicter des mesures sanitaires applicables aux open-spaces, sans les condamner complètement. Certaines entreprises en appellent même à l’aide de l’Etat pour sécuriser ces espaces (comprendre : recloisonner en dur ou en plexiglas).
Que croyez-vous que fît la RATP de son programme LYBY +, face à cette situation nouvelle? Se réjouir que rien n’avait encore été fait et décider de tout stopper, au moins provisoirement, le temps de tirer tous les enseignements d’une crise qui, du reste, se poursuit ? Eh bien, non ! Et même, tout le contraire. Elle annonce, dès le mois de mai, avec tambours et trompettes, que le programme LYBY + repart comme si de rien n’était, en enregistrant qu’un retard minime. En quelque sorte, LYBY + s’est imposé comme le premier projet que l’entreprise a souhaité déconfiner comme s’il était urgent d’engager pour de bon les choses, pour éviter que s’impose la seule décision raisonnable en l’espèce : TOUT STOPPER PENDANT QU’IL EN EST ENCORE TEMPS.
Vous avez délibérément décidé, se faisant, de rendre plus dangereux des espaces dans lesquels sont appelés à travailler des milliers d’agents. Honte à vous !
Ce faisant, vous allez pousser les agents, y compris ceux pour qui ce n’était pas une aspiration profonde, à se réfugier dans le télétravail, pour fuir un environnement de travail assurément dégradé et, dans certaines circonstances, dangereux.
VENTE DES TICKETS A BORD DES BUS :
Là encore, dans un contexte sanitaire qui se dégrade à nouveau et à toute vitesse, vous demandez aux 1er de corvées de reprendre un contact non distancié avec les usagers qui, eux-mêmes, n’en demandent pas tant !
Une question se pose : C’est quoi votre problème? C’est vous qui payez de vos poches les salarié-e-s en première ligne?
En l’espace de quelques jours, plusieurs cas de covid-19 ont été déclarés rien que sur le périmètre CSE2. Il va sans dire que la CGT-RATP n’encouragera pas les agents à prendre des risques inconsidérés pour des tickets à 2 €uros.
Vous ne l’ignorez pas, la CGT a été reçue en alarme sociale à ce sujet.
Toujours est-il que l’ensemble de tous ces faits managériaux font malheureusement la démonstration que vous ne tenez les agents de l’entreprise que pour des variables d’ajustements structurels, mais aussi, il faut bien le dire, des décisions politiques, macro-économiques qui, toutes, n’ont qu’un seul but : celui d’exploiter à moindre frais.
Il en est de même des dossiers sur lesquels les élu-e-s de cette instance auront à se prononcer, aujourd’hui et demain, comme celui portant sur le transfert des agents de contrôle au sein du nouveau département RDS qui sera, en 2025, fracturé en autant de filiales de dernier rang qu’il y aura de lots « mis à la vente ».
La CGT prend acte !